top of page

Hawk-eye: l'oeil du Pro

  • Bruno Rassenfosse
  • 16 févr. 2015
  • 7 min de lecture

Nom : David Mata Perez. Profession : entraîneur de tennis. Age : 29 ans. Son nom ne vous dit certainement pas grand-chose mais mon petit doigt, lui, me dit que cela risque de changer dans quelques temps. Brève présentation de ce passionné qui a eu la très bonne idée de quitter sa mère patrie espagnole pour rejoindre nos plates contrées et y importer une méthode, un savoir-faire et une ouverture d’esprit toute ibérique.

A l’adolescence, sous le soleil de Valence, beaucoup le prédestinaient à une carrière de joueur professionnel. Lui a pourtant toujours su au fond de lui que la vérité était ailleurs. Mettre son talent au service des autres, c’était là que se trouvait sa véritable destinée. Et, comme toujours, c’est cette dernière qui l’emportera lorsqu’aux portes des qualifications du tournoi junior de Roland-Garros, une blessure à la cheville aussi brutale que fatale brisera tout espoir de continuer sur cette voie. Aujourd’hui, un diplôme universitaire sous le bras et à des années lumières de la moindre frustration lorsqu’ il regarde dans le rétroviseur, c’est un homme comblé par son métier d’entraîneur - et de dénicheur de jeunes talents - que j’ai en face de moi. A travers les quelques questions-réponses qui suivent, j’avais juste envie de partager avec vous sa vision du tennis, conjuguée au passé, au présent et au futur.

Q. Toi qui as fait la majeure partie de tes classes en Espagne mais qui exerce depuis 5 ans en Belgique, as-tu constaté des différences fondamentales entre les deux pays quant aux méthodes de formation des jeunes ?

DMP. Clairement, oui ! L’approche est en fait complètement différente en Espagne. Là-bas, on forme des groupes de joueurs, des « teams » dans lesquels chacun peut évoluer selon ses propres forces et faiblesses tout en s’inspirant des autres. Les meilleurs tirent les plus faibles vers le haut et il y’a une vraie entraide qui s’installe dans le collectif, que ce soit au niveau des jeunes, mais aussi des parents et des coaches. Et puis ces derniers cherchent d’abord à aider les jeunes à développer leurs qualités naturelles, sans vouloir à tout prix imposer une base technique ou un style de jeu unique. C’est l’entraîneur qui s’adapte au profil du joueur et non l’inverse. Ici, la méthode est plus individuelle et personnellement je la trouve souvent trop scolaire. Les bases d’apprentissage sont les mêmes depuis vingt ans et je n’ai pas l’impression que la fédération tienne vraiment compte de l’évolution globale du jeu, notamment pour adapter les types d’exercices ou apporter des conseils techniques plus en phase avec notre époque. On ne sent pas non plus une réelle émulation collective, chaque prof ayant souvent tendance à travailler dans son coin avec ses propres élèves, sans réellement partager ses expériences ou échanger des suggestions intéressantes.

Q. On remarque aussi une mentalité globalement différente chez les joueurs espagnols, avec souvent une combattivité beaucoup plus affirmée que chez nous. Tu es d’accord ?

DMP. Oui, sans l’ombre d’un doute. Il y’a deux qualités primordiales que l’on retrouve chez la majorité des joueurs en Espagne : le respect de l’adversaire et la rage de vaincre. La première s’apprend aux plus jeunes, la deuxième est quant à elle déjà présente dans l’ADN de la plupart d’entre eux. Nadal est d’ailleurs la parfaite illustration de cette alchimie qui est commune aux plus grands champions. On a d’excellents joueurs en Belgique mais il leur manque souvent ce petit supplément qui fait la différence. Se battre de la même façon sur chaque point indépendamment du score, voilà un concept que les joueurs belges ont du mal à intégrer.

Q. En parlant de joueurs belges, comment tu vois l’avenir de David Goffin ?

DMP. C’est un très bon joueur, aucun doute là-dessus, mais je pense qu’il a déjà atteint son plafond. Il peut bien sûr encore progresser au niveau technique et tactique, mais il n’a pas suffisamment ce tempérament de « killer » qui lui permettrait d’intégrer un jour le top 10. Il me rappelle un peu Xavier Malisse, que tout le monde voyait gagner de grands titres. C’était sans compter sur une chose essentielle : tout le talent du monde ne peut compenser un mental fragile et un manque d’instinct de prédateur.

Q. Enfant, quel était ton idole ?

DMP. Pete Sampras. Style de jeu, mentalité, charisme, il avait tout ce qui me fait vibrer chez un joueur de tennis. C’était pour moi la référence ultime.

Q. Penses-tu qu’il pourrait aujourd’hui, avec le même jeu qu’à l’époque, rivaliser avec les meilleurs?

DMP. Difficilement. C’était une autre époque, le jeu était plus lent, il avait le temps d’arriver au filet dans de bonnes conditions et de dicter son jeu en tournant autour de son coup droit. Aujourd’hui, il pourrait encore tenir son engagement sur surfaces rapides grâce à son service mais sur les jeux de retour il serait constamment acculé derrière la ligne de fond, bombardé sur son revers, et il ne pourrait quasiment jamais reprendre l’échange à son compte. Sur surfaces plus lentes, il n’aurait plus aucune chance de tenir la distance face à des gars comme Nadal ou Djokovic.

Q. On remarque l’émergence, un peu comme chez les filles il y’a une quinzaine d’années, d’une génération de joueurs un peu stéréotypés, à l’image d’un Raonic, surpuissants mais pas toujours très subtils…Penses-tu qu’une « bonne main » et de la finesse dans le jeu pourront encore faire la différence dans quelques années ?

DMP. Je pense qu’un bon toucher de balle ou une bonne science du jeu resteront bien entendu des atouts mais ce ne seront pas les plus importants. Face à des joueurs de deux mètres qui servent à 230 km/h et qui dans l’échange envoient des mines de toutes les positions sur le terrain, il faudra avant tout pouvoir répondre en terme de puissance et de physique. Des joueurs comme Olivier Rochus, avec comme arme principale le talent, ne pourront malheureusement plus exister face à des mecs de plus en plus grands et de plus en plus puissants. Bientôt un revers slicé ou une amortie deviendront des coups presque inoffensifs.

Q. Et le revers à une main, une espèce irrémédiablement en voie d’extinction ?

DMP. Je le crains, oui. Avec un revers à une main, on n’a plus assez de puissance pour retourner des premières balles de service régulièrement à 220 km/h. Et les deuxième balles remontent tellement haut que l’on est obligé de frapper, au mieux, à hauteur d’épaule, ce qui est bien plus facile à deux mains. C’est d’ailleurs la plus grande faiblesse de Federer contre Nadal. L’une des principales clés de la supériorité de Rafa réside dans le fait de pouvoir très simplement neutraliser le suisse en liftant, au service comme en coup droit, haut dans son revers. Pour ces raisons, on enseigne de moins en moins le revers à une main, ce qui est réellement dommage.

Q. On voit actuellement l’émergence de nouvelles formes de jeux de raquette très spectaculaires, comme le Padel ou le Beach-tennis. Penses-tu que l’avenir du tennis est menacé ?

DMP. Disons que les spectateurs s’amusaient certainement plus devant un Connors-Mc Enroe que devant un Djokovic-Murray. C’est en partie lié au charisme des joueurs mais aussi à la rapidité du jeu qui rend les échanges souvent assez répétitifs. Les vraies oppositions de style sont également plus rares, on n’assiste quasiment plus qu’à des batailles de fond de court avec forcément des matches plus monotones. Mais les serveurs-volleyeurs appartiennent malheureusement au passé et cela ne risque pas de changer de sitôt. Au même moment, des sports de raquette plus lents et dans lesquels on peut faire preuve de plus de créativité, comme le Padel, apparaissent comme une alternative plus spectaculaire pour le grand public. Si les autorités du tennis ne réagissent pas et n’offrent pas rapidement d’adaptation au format actuel, je pense que les gens risquent de commencer à se désintéresser de notre sport.

Q. C’est ce qu’a mis en place le nouveau circuit IPTL, avec des sets de 4 jeux, pas de let au service, pas de point d’avantage etc… La durée des matches s’en voit drastiquement diminuée mais penses-tu que cette formule puisse être un jour considérée par les joueurs comme autre chose que du tennis-exhibition ?

DMP. Difficile à dire. Quand on repense aux plus grands matches de l’histoire, ils se sont tous joués en trois sets gagnants. Je ne pense pas que l’on puisse atteindre la même intensité et la même dimension dramatique si l’aspect physique n’entre plus en ligne de compte. En fait, il faudrait trouver un moyen de ralentir le jeu tout en accélérant la durée des matches mais en conservant la beauté des combats physiques en 5 sets…L’équation n’est pas simple…

Q. Personnellement, je suis favorable à une vieille idée qui n’a jamais convaincu : une seule balle de service. Cela solutionnerait en grande partie l’équation, non ? Et puis, ça permettrait à des joueurs moins puissants d’avoir à nouveau droit au chapitre…

DMP. Pourquoi pas. Cela mériterait un très long débat ! Il faudrait dès lors s’attendre à d’énormes chamboulements au classement et à la disparition de certains joueurs comme Karlovic par exemple…Pas certain que l’idée plaise à l’ensemble des parties concernées. Mais pourquoi pas y réfléchir !

Q. Quel(s) conseil(s) donnerais-tu aujourd’hui à un jeune joueur de 15 ans qui veut se lancer dans une carrière professionnelle?

DMP. Donne ta vie sur chaque balle. Montre toujours beaucoup de respect aux gens qui t’entourent car sans eux, tu ne serais plus rien. Et puis, dans la mesure du possible, prévois quelques réserves financières au départ car si tu n’es pas rapidement dans le top 50, ce sera la galère…

Q. On termine avec ton sentiment sur ce début de saison, et la victoire de Djokovic en Australie. Penses-tu, comme moi, qu’il puisse réaliser le grand-chelem cette année ?

DMP. Oui, je le pense aussi. Tout dépend de l’état de forme de Nadal à Roland Garros. Si ce dernier est au top, il battra à nouveau Djokovic. Dans le cas contraire, je vois le serbe s’imposer et gagner dans la foulée à Wimbledon et à l’Us Open.

Q. Le danger pour Novak ne peut-il pas également se nommer Andy Murray à Wimbledon ?

DMP. Non. Je ne pense pas que Murray soit en mesure de battre le serbe cette année en Grand-Chelem.

Hawk Eye.jpg


 
 
 

Comments


Featured Review
Tag Cloud

© 2014 Proudly created with Wix.com

  • Facebook B&W
  • Twitter B&W
  • Google+ B&W
bottom of page