Joueur oublié n°6: Aaron Krickstein, Marathon Man
- Bruno Rassenfosse
- 20 févr. 2015
- 3 min de lecture
Année de naissance: 1967
Meilleur classement ATP: 6ème (1990)
Meilleur résultat en Grand-Chelem:
1/2 finale Us Open (1989)
1/2 finale à l'Open d'Australie (1995)
Nombre de titres ATP: 9
C’était encore le temps du rêve américain. A l’ombre d’un palmier, un jeune yankee arrivé tout droit du Michigan replaçait le cordage de sa raquette en songeant, du haut de ses treize ans, aux nombreux pays que celle-ci pourrait lui permettre de découvrir s’il continuait à en faire un aussi bon usage. En attendant, la Floride offrait un cadre idéal pour se préparer à la conquête du monde. Et ça, l’ancien Marine Nick Bolletierri en avait conscience depuis quelques temps déjà, lui qui avait tout abandonné pour y créer son académie de tennis. Avec des méthodes dignes des meilleurs camps d’entrainement militaires, son idée était d’intégrer au tennis deux ingrédients majeurs, indissociables de l’image d’une armée américaine performante : précocité et fighting spirit. Ajoutez à cela une frappe de balle inspirée d’un tir de bazooka - autre marque de fabrique de la maison Bolletierri - et vous avez la formule magique sensée révolutionner le monde de la petite balle jaune (bien qu’encore parfois blanche à l’époque).
Bien avant les recrues Agassi et Courrier – qui appliqueront à la lettre le concept gagnant du nouveau gourou du tennis – deux joueurs issus de ce drôle de laboratoire étaient promis à la postérité avant même d’avoir connu les joies de la majorité. Le premier se nommait Jimmy Arias et avait seize ans lorsqu’il disputa son premier Us Open. Futur numéro un mondial dans toutes les prédictions des observateurs, il ne répondra malheureusement jamais aux attentes placées en lui, prouvant si cela devait encore s’avérer nécessaire, qu’une carrière de champion n’est jamais écrite à l’avance, mais se construit match après match.
Le deuxième n’est autre qu’Aaron Krickstein, notre jeune rêveur évoqué plus haut, et dont les projets de voyage allaient vite se concrétiser. L’un des premiers se fera vers Tel Aviv, où il remportera en 1983 son premier tournoi ATP à l’âge de seize ans, devenant le plus jeune vainqueur de l’histoire de l’ATP, record toujours d’actualité. Intégrant l’année suivante le top 10 à dix-sept ans (autre record), il se construit petit à petit une réputation de joueur hyper solide, autant mentalement que physiquement. Son surnom de « Marathon Man » sera par ailleurs loin d’être usurpé, en témoignent deux statistiques éclairantes : 27 matches gagnés en cinq sets sur 35 joués, dix matches remportés après avoir été mené deux sets à zéro !
Après avoir traversé quelques années sans véritable coup d’éclat, notamment à cause de blessures à répétition, il attire à nouveau les projecteurs en atteignant les ½ finales à l’Us Open en 1989. Balayé par Boris Becker - injouable cette année-là - il est alors loin de se douter que c’est sur ce même court Louis Armstrong qu’il va vivre deux ans plus tard le moment le plus marquant de sa carrière. Et malheureusement pour lui, il ne s’agira pas d’une victoire…
Nous sommes en septembre 1991 et l’Us Open s’apprête à vivre l’un de ses plus grands moments. Jimmy Connors, alors âgé de 39 ans et 174ème à l’ATP, a reçu une wild-card des organisateurs, histoire de lui permettre de disputer un dernier match, en forme de jubilé. Au premier tour, lorsqu’il est mené deux sets à zéro par Patrick Mc Enroe, tout se déroule comme prévu et l’on prépare gentiment la cérémonie d’adieux en coulisse. Oui mais c’était sans compter sur le réveil de Jimbo le magnifique, soudain enragé et dangereux tel un animal blessé. Et bien décidé à livrer un dernier baroud d’honneur à la hauteur de son immense carrière. Il renverse finalement le frère de son meilleur ennemi et après deux nouvelles victoires, se présente en 1/8ème de finale face à Aaron Krickstein, alors de quinze ans son cadet…
La suite tombera encore un peu plus dans l’irrationnel. Et dans ce qui est unanimement considéré comme l’un des plus beaux matches de l’histoire du tournoi, Krickstein s’inclinera au tie-break de la cinquième manche, après avoir pourtant dominé toute la rencontre et mené 5-2 dans ce dernier set. Selon ses propres mots, il résumera ce combat d’un peu moins de cinq heures à une simple image : celle d’un gibier inexorablement achevé par un chasseur. C’est en ½ finale que le miracle prendra fin pour le vétéran américain, complètement carbonisé et à son tour victime d’un carnassier sans état d’âme, en la personne de Jim Courrier.
Quant à notre homme du Michigan, en dépit d’une nouvelle ½ finale en grand chelem (Open d’Australie 1995), aujourd’hui encore, c’est de ce maudit mois de septembre de 1991 qu’on lui reparle sans cesse…Mais à défaut de pouvoir un jour l'effacer complètement de la mémoire collective, il pourra toujours se vanter d'avoir vécu l'évènement aux premières loges!

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